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Responsabilité
Comptes clients : quelles sont les obligations de l'expert-comptable ?
L’expert-comptable chargé par une société d’une mission standard n’a pas à alerter le dirigeant sur l'importance de l'encours clients et la relance nécessaire des débiteurs. De plus, des erreurs dans le poste clients ne peuvent lui être reprochées que si elles ont causé un préjudice à la société.
Des erreurs sont constatées dans les comptes clients d’une société
Après un redressement fiscal et la découverte d'anomalies comptables, une société demande la désignation d’un expert judiciaire, lequel conclut à une correction à la baisse de l'actif net comptable de la société en raison d'erreurs affectant les comptes clients.
La société engage alors un procès contre son expert-comptable.
Les erreurs de l’expert-comptable n’engagent pas nécessairement sa responsabilité
Reproches formulés contre l’expert-comptable. - La société reproche à l’expert-comptable :
- d'avoir commis des erreurs comptables dans le poste clients ;
- de ne pas avoir respecté le devoir professionnel de suivi rigoureux des comptes clients ;
- d'avoir fait preuve de négligence dans la présentation à son dirigeant d'une comptabilité d'engagement.
Erreurs dans la comptabilisation de factures. – Saisie de cette affaire, la cour d’appel de Paris constate que certes, l’expert-comptable aurait dû passer en perte deux créances non recouvrables et annuler deux autres factures. Pour autant, ces erreurs ou anomalies comptables ne sont pas la cause du non-recouvrement de ces créances. Celui-ci résulte soit des procédures collectives ouvertes à l'égard des sociétés débitrices, soit de l'inexistence même de ces créances, maintenues en comptabilité alors qu'elles auraient dû être annulées.
De même, les juges parisiens constatent que l’expert-comptable a fautivement présenté comme réglée une facture impayée et a enregistré une autre à tort. Cependant, les juges notent également que le dirigeant de la société ne se référait pas à la comptabilité tenue par l’expert-comptable pour assurer le suivi commercial et le règlement des factures. Les erreurs commises par l’expert-comptable n'ont donc pas fait perdre, à la société, une chance d'obtenir le recouvrement de ces factures.
Redressement fiscal non pris en compte. – La cour d’appel de Paris constate que l’expert-comptable aurait dû comptabiliser, dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2012, les conséquences financières du redressement fiscal notifié le 17 décembre 2012. Pour autant, le traitement comptable erroné de ce redressement fiscal n'est pas la cause des sommes réclamées par l'administration fiscale.
D’ailleurs, remarquent les juges, la société n’invoque pas de faute de l'expert-comptable susceptible d'avoir contribué à ce redressement fiscal.
Conclusion des juges. – La cour d’appel de Paris conclut qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les fautes commises par l’expert-comptable et les préjudices allégués par sa cliente. Aucun dédommagement n’est donc dû à ce titre.
Le devoir de conseil de l’expert-comptable varie en fonction de sa mission
La société reprochait également à l’expert-comptable de ne pas l’avoir alertée sur des impayés et délais de règlement trop longs. Sur ce point, la cour d’appel de Paris souligne que l’expert-comptable avait pour mission :
- la tenue de la comptabilité ;
- une aide à l'établissement des comptes annuels ;
- la présentation des documents fiscaux et sociaux ponctuels et de fin d'exercice.
Les juges concluent que le devoir de conseil de l'expert-comptable n'impliquait pas d'alerter les dirigeants sur l'importance de l'encours client, les relances clients nécessaires et les délais de paiement.
La cour d’appel rejette donc la demande de la société. La Cour de cassation valide l’ensemble de cette décision dans un arrêt qu'elle publie dans son bulletin, montrant ainsi l’intérêt qu’elle lui porte.
Cass. com. 14 février 2024, n° 22-13899