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Vie des affaires

Garanties personnelles

Dirigeants, soyez vigilants sur les avals demandés par votre banque

On le sait, un engagement de caution peut s’avérer très lourd pour un dirigeant. Mais, si la banque demande un aval, et non un cautionnement, le risque pour le dirigeant est encore plus important, la banque n’étant alors tenue d’aucune information à l’égard de son client.

L’aval demandé par une banque à un dirigeant

Une banque consent à une société un crédit de trésorerie d'un montant de 165 000 €, matérialisé par trois billets à ordre sur lesquels le dirigeant de la société porte son aval.

À la suite de la défaillance de la société, la banque assigne l'avaliste en paiement des trois billets à ordre.

Rappelons qu’un avaliste (ici le dirigeant) est tenu de la même manière que celui (ici la société) dont il s’est porté garant (c. com. art. L. 511-21 et L. 512-4).

La banque n’a pas alerté le dirigeant sur les risques de l’aval

Saisie de cette affaire, la cour d’appel de Reims rejette la demande de la banque et annule l’aval porté sur les trois billets à ordre. Elle estime que le consentement de l'avaliste a été vicié par la banque qui aurait dû alerté le dirigeant sur la rigueur et les conséquences de son engagement.

Les juges appuient leur raisonnement sur l'obligation précontractuelle d'information prévue à l'article 1112-1 du code civil, qui dispose : « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».

Selon les juges rémois, il s’agit là d’une obligation légale impérative et de portée générale. Elle s'applique donc au billet à ordre et à l'aval, aucune disposition du code de commerce ne prévoyant de règles dérogatoires.

Pour la Cour de cassation, le dirigeant est privé de tout recours

Saisie de cette affaire par la banque, la Cour de cassation rappelle que l'aval constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change.

En conséquence, conclut la Cour, l'avaliste ne peut ni demander l'annulation de l'aval ni rechercher la responsabilité de la banque pour manquement à un devoir d'information.

La Cour de cassation censure donc la décision et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris pour qu’elle soit jugée à nouveau.

Dirigeants, évaluez vos risques avant de vous engager !

Les dirigeants doivent évaluer eux-mêmes leurs risques avant de donner l’aval que la banque leur réclame, cet engagement n’étant pas, contrairement à un engagement de caution, encadré par des garde-fous.

Ainsi que le montre l’arrêt de la Cour de cassation du 2 mai 2024, la banque ne leur doit aucune information sur le risque qu’ils prennent. Cet arrêt prolonge une jurisprudence déjà bien établie.

Ainsi, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que, si la banque doit, chaque année, informer les cautions du montant actualisé de leur engagement, elle n’a pas cette obligation en présence d’un aval (cass. com. 16 juin 2009, n° 08-14532).

Elle a également jugé que l’avaliste ne pouvait pas reprocher à la banque de ne pas lui avoir indiqué les conséquences de l'aval par rapport à celles d'un cautionnement (cass. com. 20 avril 2017, n° 15-14812).

Cass. com. 2 mai 2024, n° 22-19408