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Inaptitude et télétravail

L'employeur peut être tenu de reclasser un salarié inapte en télétravail

Si le médecin du travail préconise un passage en télétravail pour un salarié inapte, l’employeur doit s’y conformer quand cela est compatible avec les fonctions du salarié, y compris si le télétravail n’a pas déjà été instauré dans l’entreprise. À défaut, les juges considèrent que l’employeur n’exécute pas loyalement son obligation de reclassement. Conséquence directe : le licenciement prononcé pour impossibilité de reclassement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Une secrétaire médicale licenciée pour inaptitude alors que le médecin du travail avait préconisé du télétravail

L’affaire jugée par la Cour de cassation le 29 mars 2023 concernait une salariée déclarée inapte à son poste de secrétaire médicale-responsable d’un centre de médecine du travail. Le médecin du travail a précisé qu'elle « pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2 j/semaine) en télétravail avec aménagement du poste approprié ».

Pour mémoire, quand un salarié est déclaré inapte, l’employeur est tenu de chercher à le reclasser, sauf s’il en est dispensé par le médecin du travail, ce qui n’était pas le cas dans notre affaire. L’employeur doit s’appuyer sur les indications du médecin du travail pour reclasser le salarié, si besoin en mettant en œuvre des mesures comme une mutation, une transformation des postes existants ou un aménagement du temps de travail. Le poste proposé doit être approprié aux capacités du salarié et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé (c. trav. art. L. 1226-2, L. 1226-10 et L. 4624-4).

En l’espèce, l’employeur a considéré qu’il était impossible de reclasser la salariée dans la mesure où il n'existait aucun poste en télétravail au sein du centre et qu'une telle organisation était incompatible avec son activité, celle-ci requérant le respect du secret médical. Il a donc licencié la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La salariée a alors saisi les juges en faisant valoir l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement. Elle a obtenu gain de cause en appel. La cour d’appel a notamment considéré que l’employeur n’avait pas exécuté loyalement son obligation de reclassement.

L’employeur a saisi la Cour de cassation.

Le passage en télétravail peut-il être une mesure de reclassement quand le télétravail n’a pas été mis en place dans l’entreprise ?

Pour justifier de l’impossibilité dans laquelle il était de reclasser la salariée, l’employeur a notamment fait valoir que l'obligation de reclassement d’un salarié inapte ne porte que sur des postes disponibles existant dans l'entreprise. Il rappelle qu’un employeur n’est pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié (cass. soc. 21 mars 2012, n° 10-30895 FD).

Fort de cette règle, l’employeur soutenait qu’il ne pouvait pas se voir imposer de reclasser la salariée sur un poste en télétravail puisque le télétravail n’avait pas été mis en place dans son entreprise.

La Cour de cassation refuse cette argumentation et approuve la décision de la cour d’appel.

Le médecin du travail était parfaitement clair dans l'avis d'inaptitude en précisant que la salariée pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié et en confirmant cet avis en réponse aux questions de l'employeur.

En outre, la salariée occupait en dernier lieu un poste de « coordinateur ». Or, ses missions, non contestées par l'employeur, ne supposaient pas l'accès aux dossiers médicaux. Elles étaient susceptibles d'être pour l'essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel pouvait donc considérer que l'employeur n'avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement. Il n’y avait pas lieu de vérifier si le télétravail avait été mis en place dans l’entreprise. En effet, « l'aménagement d'un poste en télétravail peut résulter d'un avenant au contrat de travail ».

L’aménagement d’un poste en télétravail peut être une mesure de reclassement… quand il est compatible avec les fonctions du salarié

Rappelons ici que le télétravail repose en principe sur le commun accord de l’employeur et du salarié et qu’il n’est pas nécessaire aujourd’hui de matérialiser cet accord dans un avenant au contrat de travail. L’accord de l’employeur et du salarié peut être formalisé par tout moyen (c. trav. art. L. 1222-9). En revanche, le passage d’un temps complet à un temps partiel nécessite un tel avenant dans la mesure où le travail à temps partiel impose d’inscrire certaines mentions dans le contrat de travail.

En conclusion, le médecin du travail peut préconiser un aménagement en télétravail du poste d’un salarié déclaré inapte pourvu que cela soit compatible avec son état de santé et ses fonctions.

L’employeur ne peut pas justifier d’une impossibilité de reclassement en faisant valoir que le télétravail n’a pas été mis en place dans son entreprise. À notre sens, seuls une incompatibilité du télétravail avec les fonctions du salarié ou un refus du salarié du poste proposé pourraient justifier une telle impossibilité.

cass. soc 29 mars 2023, n° 21-15472 FB, https://www.courdecassation.fr/decision/6423d6e178684f04f5813f93