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Épargne salariale
Premier décret de la loi Partage de la valeur : les mesures en faveur de l’intéressement et de la participation
Un des deux décrets, très attendus, d’application de la loi « Partage de la valeur » du 29 novembre 2023 a été publié au Journal officiel du 30 juin 2024. Entre autres mesures, il précise les conditions permettant de verser des avances sur l’intéressement ou la participation en cours d’exercice. Par ailleurs le décret prend en compte l’assimilation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant à du temps de présence, en cas de répartition de la participation proportionnellement aux salaires.
Versement d’avances sur l’intéressement ou la participation : les bases sont dans la loi Partage de la valeur
La loi Partage de la valeur du 29 novembre 2023 dispose qu’un accord d'intéressement ou de participation peut prévoir le versement, en cours d'exercice, d'avances sur les sommes dues au titre de l'intéressement ou de la réserve spéciale de participation (c. trav. art. L. 3348-1, al. 1 ; loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 12, JO du 30).
Le versement d’avances est donc possible uniquement si l’accord le prévoit (1er verrou).
Si tel est le cas, des avances peuvent être versées en cours d'exercice aux bénéficiaires après avoir recueilli leur accord (2e verrou) (c. trav. art. L. 3348-1, al. 2).
Le texte précise aussi que la périodicité de versement des avances ne peut pas être inférieure au trimestre (c. trav. art. L. 3348-1, al. 2).
Si les droits définitifs s'avèrent inférieurs à la somme des avances reçues, les sommes trop perçues sont intégralement reversées par le bénéficiaire à l'employeur sous la forme d'une retenue sur salaire (retenue d'au plus 1/10 du montant des salaires exigibles (c. trav. art. L. 3348-1, al. 3 renvoyant à L. 3251-3).
Lorsque le trop-perçu a été affecté à un plan d'épargne salariale, il ne peut pas être débloqué. Il devra alors être traité comme un versement volontaire du bénéficiaire et n'ouvrira pas droit aux exonérations fiscales et sociales en principe applicables (c. trav. art. L. 3348-1, al. 4).
L’entrée en vigueur de ce dispositif était subordonnée à la parution de décrets visant notamment à déterminer les conditions d’information des bénéficiaires. Le premier décret, daté du 29 juin 2024, a été publié au JO du 30 juin. Il devrait être suivi prochainement du 2e décret, pris après avis du Conseil d’État.
Information de chaque salarié sur la possibilité d’avance et recueil de son éventuel accord
Le décret publié au JO du 30 juin 2024 précise les modalités d’information des salariés et de recueil de leur accord avant le versement d’avances sur l’intéressement ou la participation (c. trav. art. D. 3348-1 nouveau ; décret 2024-644 du 29 juin 2024, art. 4, IV, 2°).
Si l’accord d’intéressement ou de participation prévoit le versement d’avances, l’employeur doit informer chaque salarié de cette possibilité et du délai dont il dispose pour donner son accord (c. trav. art. D. 3348-1, al 1).
En l’absence de stipulation sur le délai de réponse dans l’accord, le salarié dispose de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé l’informant de cette possibilité pour donner son accord au versement d’avances (c. trav. art. D. 3348-1, al 2).
À défaut d’accord express du salarié sur le principe d’un versement d’une avance au titre de l’intéressement ou de la participation, aucune avance ne peut être versée à l’intéressé (c. trav. art. D. 3348-1, al 3).
À noter : cet accord du salarié est primordial dans la mesure où si les avances s’avèrent trop importantes au vu des résultats en fin d’exercice, le salarié sera amené à les rembourser à l’employeur sous la forme d’une retenue sur salaire et il perdra les avantages fiscaux et sociaux s’il les a versées sur un plan d’épargne salariale comme indiqué ci-dessus. Il y a donc un risque à gérer dont le salarié doit avoir conscience.
L’accord d’intéressement ou de participation doit prévoir les modalités d’information des bénéficiaires sur les avances : 2e décret à paraître
Le second décret, à paraître prochainement, devrait prévoir que l’accord d’intéressement ou de participation doit contenir des informations, en cas de versement d’avance, sur les modalités de recueil de l’accord du salarié et, en cas de trop-perçu « final », soit l’impossibilité de débloquer ce trop-perçu s’il a été affecté à un plan d’épargne salariale, soit son reversement intégral sous forme de retenues sur salaire dans la limite du 1/10e, en l’absence d’une telle affectation (projet de décret en Conseil d’État à paraître) (voir notre actu du 7/05/2024, « Partage de la valeur : deux projets de décret précisent plusieurs mesures de la loi »).
Juridiquement, tout dépend bien entendu du décret à paraître sur ce point.
Remise d’une fiche d’information distincte à chaque versement d’avance sur l’intéressement ou la participation
La somme attribuée à un bénéficiaire au titre d’une avance sur l’intéressement ou la participation doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de salaire (c. trav. art. D. 3348-2 nouveau ; décret 2024-644 du 29 juin 2023, art. 4, IV, 2°).
Sauf opposition du salarié concerné, la remise de cette fiche distincte peut être effectuée par voie électronique, dans des conditions de nature à garantir l'intégrité des données (c. trav. art. D. 3348-2, dern. al.).
La fiche doit mentionner (c. trav. art. D. 3348-2) :
-le montant des droits attribués à l'intéressé au titre de l’avance sur la prime d’intéressement ou la participation ;
-la retenue opérée au titre de la CSG/CRDS sur ces sommes ;
-l’obligation et les modalités de reversement par le bénéficiaire à l’employeur en cas de trop-perçu, c’est-à-dire lorsque les droits définitifs attribués à l’intéressé au titre de l’intéressement ou de la participation sont inférieurs à la somme des avances reçues ;
-l’impossibilité de débloquer le trop-perçu lorsqu’il a été affecté un plan d’épargne salariale et la précision qu’il constitue alors un versement volontaire du bénéficiaire et n’ouvre pas droit aux exonérations (celles prévues aux articles L. 3312-4, L. 3315-1 à L. 3315-3 et L. 3325-1 à L. 3325-4 du code du travail) ;
-lorsque l’avance au titre de l'intéressement ou de la participation est investie sur un plan d'épargne salariale, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement sont négociables ou exigibles et les cas dans lesquels ces droits peuvent être exceptionnellement liquidés ou transférés avant l'expiration de ce délai (cas de déblocage anticipés) ;
-les modalités d'affectation par défaut au plan d'épargne d'entreprise (PEE) des sommes attribuées au titre de l’avance sur l'intéressement conformément aux dispositions de l'article L. 3315-2 du code du travail ;
-les modalités d'affectation par défaut au plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) ou au plan d'épargne retraite d'entreprise collectif (PERE-CO) des sommes attribuées au titre de l’avance sur participation, conformément aux dispositions de l'article L. 3324-12 du code du travail ;
-l’accord du bénéficiaire sur le principe de l’avance.
Adaptation des fiches d’information remises aux bénéficiaires lors du versement de l’intéressement ou de la participation
Classiquement, au moment de l’attribution de sommes issues de l’intéressement ou de la participation, chaque salarié reçoit une fiche comportant un certain nombre d’informations distinctes du bulletin de paie (c. trav. art. D. 3313-8 pour l’intéressement ; c. trav. art. D. 3323-16 pour la participation).
À noter : ces fiches d’information ne doivent pas être confondues avec celles qui doivent spécifiquement accompagner le versement d’avances sur l’intéressement ou la participation (voir ci-avant).
Les informations contenues dans ces fiches doivent être complétées afin de prendre en compte le fait que des avances puissent être versées en cours d’exercice.
Les fiches doivent désormais comporter des informations sur (c. trav. art. D. 3313-9 modifié pour l’intéressement ; c. trav. art. D. 3323-16 modifié pour la participation ; décret 2024-644 du 29 juin 2024, art. 4, I et II, 2°) :
-le montant « total » des droits attribués au salarié au titre de l’exercice écoulé (donc avances cumulées comprises) ;
-le cas échéant, le montant des sommes reçues au titre des avances ;
-en cas de versement d’avances, le montant des droits attribués à l’intéressé restant à percevoir ou à reverser à l’employeur.
Répartition de la participation proportionnelle aux salaires : adaptation à la prise en compte du congé de paternité
Les absences pour congé de paternité et d’accueil de l’enfant sont assimilées à des périodes de présence lors de la répartition de la participation ou de l’intéressement (c. trav. art. L. 3314-5 pour l’intéressement ; c. trav. art. L. 3324-6 pour la participation).
À l’instar de ce qui est déjà prévu pour l’intéressement (c. trav. art. R. 3314-3), le décret précise qu’en cas de répartition de la participation proportionnellement au salaire, les salaires à prendre en compte pour la répartition de la réserve spéciale de participation sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il n'avait pas été absent (c. trav. art. D. 3324-11 modifié ; décret 2024-644 du 29 juin 2024, art. 4, II, 3°).
Dans les faits, cette règle était, selon nos informations, déjà applicable depuis le 11 mars 2023, puisque la partie législative du code du travail prévoyait depuis cette date l’assimilation du congé de paternité à une période de présence « quel que soit le mode de répartition retenu par l’accord » (c. trav. art. L. 3324-6 modifié ; loi 2023-171 du 9 mars 2023, art. 18).
Toilettage du code du travail
La loi sur le partage de la valeur a remonté au niveau législatif, sans changement sur le fond, la règle obligeant à recalculer le montant de la participation des salariés au titre d’un exercice lorsque l'administration ou le juge de l'impôt en a rectifié les résultats (c. trav. art. L. 3326-1-1).
Par conséquent l’article réglementaire contenant cette même règle est abrogé (c. trav. art. D. 3324-40 abrogé ; décret 2024-644 du 29 juin 2024, art. 4, II, 4°).
Décret 2024-644 du 29 juin 2024, JO du 30