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Période d'essai
La rupture de la période d'essai après son expiration, c'est obligatoirement un licenciement sans cause réelle et sérieuse
La Cour de cassation considère que les motifs qu’a pu avancer l’employeur pour justifier la rupture de la période d’essai intervenue après son expiration ne peuvent pas être pris en considération pour tenter de justifier le licenciement qui en résulte. Ce licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse. Aucune possibilité de rattrapage n’est donc admise.
Un employeur rompt la période d’essai après son expiration
Une entreprise avait embauché un directeur commercial le 6 janvier 2015, avec une période d’essai de 6 mois renouvelable une fois. L’employeur avait rompu le contrat de travail le 24 juillet 2015, pendant la période d’essai. Du moins le croyait-il… Car il semble acquis que cette rupture était intervenue alors que la période d’essai était expirée (il n’y avait manifestement pas eu de renouvellement).
En toute logique, le salarié avait saisi les prud’hommes et obtenu la condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Devant la cour d’appel, la stratégie de l’employeur a consisté à dire que, puisque la rupture du contrat de travail était intervenue après expiration de la période d’essai et qu’elle devait s’analyser en un licenciement, il incombait aux juges d’examiner les motifs invoqués par l’employeur dans la notification de la rupture pour déterminer si le licenciement reposait ou non sur une cause réelle et sérieuse.
Rappelons à cet égard que l’une des principales caractéristiques de la période d’essai réside dans le fait que sa rupture n’a pas à être motivée (cass. soc. 3 mars 1993, n° 89-40365 D). Naturellement, rien n’interdit à l’employeur de donner au salarié les raisons de la rupture de l’essai, mais il doit garder à l’esprit que s’il invoque des fautes commises par le salarié, il doit respecter la procédure disciplinaire (cass. soc. 10 mars 2004, n° 01-44750, BC V n° 80).
Dans cette affaire, l’employeur avait donc apparemment donné au salarié les raisons pour lesquelles il avait décidé de rompre l’essai, puisqu’il invitait les juges à examiner ces raisons.
Mais cette requête a tourné court aussi bien devant la cour d’appel que devant la Cour de cassation.
Impossible de justifier le licenciement par les motifs invoqués pour rompre l’essai
Les juges du fond ont en effet considéré qu’une lettre de rupture de période d’essai ne pouvait pas s’analyser en une lettre de licenciement. Dans ces conditions, ils ont refusé d’en examiner le contenu.
Une analyse partagée par la Cour de cassation : à partir du moment où il apparaissait que l’employeur avait rompu la période d’essai après son expiration, la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que les juges aient à examiner les motifs énoncés par l’employeur dans la lettre de rupture.
La Cour de cassation exclut tout rattrapage d’une rupture tardive de la période d’essai
Cette décision est intéressante, car, jusqu’à présent, la jurisprudence assimilait la rupture d’essai tardive à un licenciement sans cause réelle faute en raison du défaut de motivation de cette rupture (cass. soc. 25 mai 1994, n° 91-40493 ; cass. soc. 17 octobre 2007, n° 06-43243, BC V n° 160). D’aucuns pouvaient donc imaginer que, dans l’hypothèse où l’employeur décidait de justifier la rupture de l’essai, en cas de forclusion, les motifs invoqués étaient susceptibles de constituer un motif de licenciement.
Mais il semble que la Cour de cassation n’a pas souhaité s’engager dans une voie qui aurait pu brouiller la frontière entre rupture de période d’essai et licenciement.
Il n’y a donc aucun moyen pour l’employeur de « rattraper » une rupture d’essai tardive. À partir du moment où la notification évoque une rupture de période d’essai, l’employeur se trouve enfermé dans le régime du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette affaire rappelle donc la nécessité pour les entreprises d’examiner attentivement le calendrier avant de rompre le contrat de travail d’un salarié à l’essai.
Clause de non-concurrence : on ne renonce pas par courriel si la clause exige une LRAR |
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La rupture en cours de période d’essai ne fait pas obstacle à l’application de la clause de non-concurrence (cass. soc. 15 novembre 2005, n° 03-47546, BC V n° 321 ; cass. soc. 10 juillet 2013, n° 12-17921 D). Si l’employeur souhaite que la clause ne joue pas en cas de rupture de la période d’essai, il doit donc l’écrire expressément dans le contrat. Rien de tel n’était apparemment prévu dans cette affaire, mais la clause comportait une possibilité de renonciation, que l’employeur a donc fait jouer pour éviter d’avoir à payer la contrepartie financière. Le contrat stipulait que la renonciation devait intervenir dans les 15 jours suivant la notification de la rupture et prendre la forme d’une lettre recommandée avec avis de réception. Or, si l’employeur avait agi dans le délai requis, il s’était contenté d’adresser un courriel au salarié. La cour d’appel en a déduit que l’employeur n’avait pas valablement renoncé à la clause de non-concurrence et qu’il devait s’acquitter de la contrepartie financière. Une décision qu’approuve logiquement la Cour de cassation, compte tenu de sa jurisprudence (cass. soc. 21 octobre 2020, n° 19-18399 D). |
Cass. soc. 3 juillet 2024, n° 22-17452 FB ; https://www.courdecassation.fr/decision/6684e95fa0de54ff609f7aab