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Emploi de travailleurs étrangers

Travailleurs étrangers : mise en œuvre de la nouvelle amende administrative et exigences renforcées pour les autorisations de travail

Un décret d’application de la loi Immigration paru au Journal officiel du 16 juillet 2024 détaille les mesures concernant l’emploi de travailleurs étrangers. Il fixe les modalités de la nouvelle amende administrative encourue en cas d’emploi irrégulier d’un étranger, en lieu et place des anciennes contributions OFII. Il révise les modalités de mise en jeu de la solidarité financière du donneur d’ordre, avec un transfert de compétences vers le ministre chargé de l’immigration. Enfin, il modifie les conditions de délivrance des autorisations de travail en renforçant les exigences vis-à-vis des employeurs.

Modalités d’application de la nouvelle amende administrative en cas d’emploi irrégulier d’un travailleur étranger

Amende administrative en remplacement des contributions OFII. - Pour rappel, la loi Immigration du 26 janvier 2024 a prévu que l’emploi irrégulier d’un travailleur étranger (emploi d’un étranger sans titre de travail, ou dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autre que celle mentionnée sur son titre de travail) était désormais passible d’une amende administrative prononcée par le ministre chargé de l'immigration, en lieu et place des contributions spéciale et forfaitaire dues à l’OFII (Office français de l'intégration et de l'immigration) (c. trav. art. L. 8253-1 modifié ; loi 2024-42 du 26 janvier 2024, art. 34, JO du 27).

Le décret du 9 juillet 2024 fixe les modalités d’application de cette nouvelle amende administrative (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, JO du 16).

À noter : cette amende est également encourue par la personne qui recourt sciemment aux services d'un employeur employant irrégulièrement un travailleur étranger (c. trav. art. L. 8253-1).

Précisions sur le montant de l’amende. - La loi a fixé le montant maximal de l’amende à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 20 750 € maximum au 1.07.2024) par travailleur étranger concerné, ce montant pouvant être majoré en cas de réitération avec dans ce cas un maximum de 15 000 fois le minimum garanti (soit 62 250 € maximum au 1.07.2024).

Le décret précise les modalités d’application de cette amende (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 2, 4° à 7°).

Il prévoit que le montant maximum de l'amende est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 8 300 € maximum au 1.07.2024) lorsque l'employeur s'est acquitté spontanément des salaires et indemnités dus au travailleur étranger irrégulièrement employé (c. trav. art. R. 8253-2 modifié). Rappelons que l’employeur dispose d’un délai de 30 jours à compter du constat de l'infraction pour verser ces sommes (c. trav. L. 8252-4). Il doit remettre au travailleur étranger les bulletins de paye correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte, et justifier par tout moyen auprès de l’OFII, et désormais auprès du ministre chargé de l'immigration, de l'accomplissement de ces obligations (c. trav. R. 8252-6 modifié).

Sur la notion de réitération de l’infraction, qui peut entraîner une majoration de l’amende (voir ci-avant), le décret indique qu’elle est réalisée lorsque l'auteur de l'infraction a déjà été condamné à payer cette amende administrative dans les 5 ans précédant la constatation de l'infraction (c. trav. art. R. 8253-2 modifié).

Montant des frais d’éloignement. – La loi prévoit que le ministre chargé de l’immigration fixe le montant de l'amende en prenant en compte les capacités financières de l’auteur de l’infraction, le degré d’intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger (c. trav. art. L. 8253-1).

Les frais d’éloignement sont donc inclus dans le montant de l’amende.

Le décret indique que le montant de ces frais d'éloignement sera fixé par arrêté ministériel en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement, suivant les zones géographiques à destination desquelles les étrangers peuvent être éloignés (c. trav. art. R. 8253-2 modifié).

Mise en œuvre de l’amende. – Le décret détaille les modalités de mise en œuvre de l’amende administrative : transmission des procès-verbaux et rapports au ministre chargé de l'immigration, information de l’employeur, possibilité pour ce dernier de présenter des observations dans un délai de 15 jours, droit de demander une copie du procès-verbal ou du rapport d'infraction avec un nouveau délai de 15 jours courant à compter de leur réception (c. trav. art. R. 8253-3 modifié).

À l'expiration du délai, le ministre chargé de l'immigration décide, au vu des éventuelles observations de l'employeur, de l'application et du montant de l'amende. Sa décision doit être motivée et notifiée à l’employeur (c. trav. art. R. 8253-4 modifié).

L’amende est due pour chaque travailleur étranger irrégulièrement employé (c. trav. art. R. 8253-1 modifié).

Entrée en vigueur. – Les nouvelles dispositions relatives au montant de l’amende administrative s'appliquent aux procédures de sanction engagées pour des faits commis antérieurement au 17 juillet 2024 (date d’entrée en vigueur du décret) (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 6, II).

Par ailleurs, le décret précise qu’elles ne sont pas applicables aux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et Saint-Martin (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 5, II).

Mise en jeu de la solidarité financière du donneur d’ordre

Principes de la solidarité financière. - Toute personne qui conclut un contrat d’un montant au moins égal à 5 000 € HT en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce doit s’assurer, lors de la conclusion du contrat et tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution de ce contrat, que son cocontractant respecte l’obligation légale de n’employer que des travailleurs étrangers munis d’une autorisation de travail (c. trav. art. L. 8254-1, D. 8254-1 et D. 8254-4).

Le donneur d’ordre qui ne respecte pas cette obligation de vigilance est solidairement responsable avec son cocontractant (c. trav. art. L. 8254-2) :

-du paiement des salaires et indemnités de rupture dus au travailleur étranger irrégulièrement employé ;

-des frais d’envoi des rémunérations ;

-de l’amende administrative infligée par le ministre chargé de l’immigration.

Cette solidarité financière est également mise en jeu à l’égard de toute personne condamnée pour avoir recouru sciemment aux services d'un employeur employant irrégulièrement un travailleur étranger (c. trav. art. L. 8254-2-2).

Mise en œuvre de la solidarité financière. – Le décret du 9 juillet 2024 modifie les conditions de mise en œuvre de la solidarité financière et opère un transfert de compétence de l’OFII au ministre chargé de l'immigration (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 2, 8°).

Ainsi, il est désormais prévu que lorsqu'une juridiction correctionnelle a définitivement condamné une personne pour avoir recouru sciemment aux services d'un employeur employant irrégulièrement un travailleur étranger, le greffe transmet une copie de la décision au ministre chargé de l'immigration, afin de lui permettre de procéder à la mise en œuvre de la solidarité financière (c. trav. art. R. 8254-7 modifié).

Dans les hypothèses où la solidarité financière du donneur d’ordre est prévue (c. trav. art. L. 8254-2, L. 8254-2-1 ou L. 8254-2-2), lorsque le ministre chargé de l'immigration entend l’appliquer, il doit en informer le donneur d'ordre concerné, par tout moyen conférant date certaine et lui indiquer qu'il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours (c. trav. art. R. 8254-8 modifié).

Le cas échéant, il doit également l'informer de son droit à demander la communication du procès-verbal ou du rapport d'infraction et dans ce cas, le donneur d’ordre a jusqu’à 15 jours à compter de leur réception pour présenter des observations (c. trav. art. R. 8254-8 modifié).

À l'expiration du délai de 15 jours, le ministre chargé de l'immigration décide, au vu des éventuelles observations du donneur d’ordre et, s'il y a lieu, des sommes déjà recouvrées au titre des salaires et indemnités, de la mise en jeu de la solidarité financière. Il notifie au donneur d'ordre sa décision motivée et les sommes qu’il doit payer (salaires et indemnités de rupture dues au travailleur étranger, frais d’envoi des rémunérations, amende administrative). Sa décision est également notifiée au directeur général de l'OFII.

Le ministre fixe le montant des sommes dues à proportion de l'étendue des relations entre le donneur d'ordre et son cocontractant, en tenant compte, notamment, de la valeur des travaux réalisés, des services fournis et de la rémunération en vigueur dans la profession (c. trav. art. R. 8254-9 modifié).

Recouvrement des sommes dues par le donneur d’ordre. - L’amende administrative est recouvrée par le Trésor public.

S’agissant des salaires, indemnités de rupture dues au travailleur étranger et des frais d’envoi des rémunérations, le directeur général de l'OFII invite le donneur d'ordre à verser les sommes dues sur un compte ouvert par l'organisme au nom du travailleur étranger, dans un délai qu'il détermine et qui ne peut être inférieur à 15 jours (c. trav. art. R. 8254-10 et R. 8254-11 modifiés).

À défaut de règlement par le donneur d'ordre au terme de ce délai, le directeur général de l'OFII procède au recouvrement forcé des sommes (c. trav. art. R. 8254-10 et R. 8254-11 modifiés).

Entrée en vigueur. – Les nouvelles dispositions relatives à la solidarité financière du donneur d'ordre s'appliquent aux faits constatés à compter du 16 juillet 2024 (date de publication du décret) (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 6, III).

Par ailleurs, le décret précise que les nouvelles dispositions relatives à l’amende administratives ne sont pas applicables aux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et Saint-Martin (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 5, II).

Délivrance des autorisations de travail : des exigences renforcées vis-à-vis des employeurs à partir de septembre 2024

Nouvelles conditions de délivrance de l’autorisation de travail. - L’employeur qui demande une autorisation de travail afin d’embaucher un travailleur étranger doit remplir plusieurs conditions qui portent notamment sur la nature de l’emploi proposé, le respect du SMIC ou des minima conventionnel, le respect de ses obligations déclaratives sociales, etc. (c. trav. art. R. 5221-20). Ces conditions sont appréciées par le préfet qui décide ou non de délivrer l’autorisation (c. trav. art. R. 5221-17).

Le décret du 9 juillet 2024 modifie les conditions de délivrance des autorisations de travail en renforçant les exigences vis-à-vis de l’employeur (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 1, 2° ; c. trav. art. R. 5221-20 modifié) :

-celui-ci doit respecter les obligations sociales liées à son statut ou à son activité (et non plus les seules obligations déclaratives sociales) ;

-le champ des infractions justifiant un refus d'autorisation de travail est étendu : sont visées, d’une part, les condamnations pénales ou les sanctions administratives prononcées en cas de travail illégal, de violation des règles de santé et de sécurité au travail, d’aide à l'entrée et au séjour irrégulier en France, de méconnaissance des règles relatives au détachement temporaire, d’atteintes à la personne humaine, de faux et usage de faux, et d’autre part, la commission de manquements graves dans ces matières (même s’il n’y a pas eu de condamnation pénale ou sanction administrative) ;

-lorsque la demande concerne un emploi saisonnier, l’employeur doit fournir la preuve que le travailleur disposera, pour la durée de son séjour, d'un logement lui assurant des conditions de vie décentes.

Le décret ajoute également un nouveau motif de refus de délivrance de l’autorisation de travail : lorsque le projet de recrutement est manifestement disproportionné au regard de l'activité économique de l'employeur (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 1, 3° ; c. trav. art. R. 5221-20-1 nouveau).

Remarque : par « employeur », il convient d’entendre le cas échéant le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice ou l'entreprise accueil lorsque la demande d’autorisation de travail leur incombe.

Entrée en vigueur le 1er septembre 2024. – Ces nouvelles conditions de délivrance des autorisations de travail entreront en vigueur le 1er septembre 2024 (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 6, I).

Autres précisions

Le décret précise que lorsque la demande d’autorisation de travail concerne un apprenti dont l’employeur est établi à l’étranger qui est accueilli dans une entreprise établie en France pour compléter sa formation, la demande est effectuée par l’entreprise d’accueil (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 1, 1°, b ; c. trav. art. R. 5221-1, II modifié).

Lorsque la demande concerne un salarié détaché temporairement en France par une entreprise établie à l’étranger dans le cadre d’une opération de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif (c. trav. art. L. 8241-2), la demande est effectuée par l’entreprise utilisatrice (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 1, 1°, a ; c. trav. art. R. 5221-1, II modifié).

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er septembre 2024 (décret 2024-814 du 9 juillet 2024, art. 6, I).

Décret 2024-814 du 9 juillet 2024, JO du 16